- 38 -
Les hommes d'une vertu supérieure ignorent leur vertu ; c'est pourquoi ils ont de la vertu.
Les hommes d'une vertu inférieure n'oublient pas leur vertu ; c'est pourquoi ils n'ont pas de vertu.
Les hommes d'une vertu supérieure la pratiquent sans y songer.
Les hommes d'une vertu inférieure la pratiquent avec intention.
Les hommes d'une humanité supérieure la pratiquent sans y songer.
Les hommes d'une équité supérieure la pratiquent avec intention.
Les hommes d'une urbanité supérieure la pratiquent et personne n'y répond ; alors ils emploient la violence pour qu'on les paye de retour.
C'est pourquoi l'on a de la vertu après avoir perdu le Tao ; de l'humanité après avoir perdu la vertu ; de l'équité après avoir perdu l'humanité ; de l'urbanité après avoir perdu l'équité.
L'urbanité n'est que l'écorce de la droiture et de la sincérité ; c'est la source du désordre.
Le faux savoir n'est que la fleur du Tao et le principe de l'ignorance.
C'est pourquoi un grand homme s'attache au solide et laisse le superficiel.
Il estime le fruit et laisse la fleur.
C'est pourquoi il rejette l'une et adopte l'autre.
「上德ä¸å¾·ï¼Œæ˜¯ä»¥æœ‰å¾·ã€‚
下德ä¸å¤±å¾·ï¼Œæ˜¯ä»¥ç„¡å¾·ã€‚
上德,無為而無以為;
下德,為之而有以為;
上ä»ç‚ºä¹‹è€Œç„¡ä»¥ç‚ºã€‚
上義為之而有以為。
上禮為之而莫之應,則攘臂而扔之。
故失é“而後德,失德而後ä»ï¼Œå¤±ä»è€Œå¾Œç¾©ï¼Œå¤±ç¾©è€Œå¾Œç¦®ï¼›
å¤«ç¦®è€…ï¼Œå¿ ä¿¡ä¹‹è–„ï¼Œè€Œäº‚ä¹‹é¦–ã€‚
å‰è˜è€…,é“之è¯ï¼Œè€Œæ„šä¹‹å§‹ã€‚
是以大丈夫處其厚,ä¸å±…其薄,
處其實,ä¸å±…å…¶è¯ï¼Œæ•…去彼å–æ¤ã€‚
- 39 -
Voici les choses qui jadis ont obtenu l'Unité.
Le ciel est pur parce qu'il a obtenu l'Unité.
La terre est en repos parce qu'elle a obtenu l'Unité.
Les esprits sont doués d'une intelligence divine parce qu'ils ont obtenu l'Unité.
Les vallées se remplissent parce qu'elles ont obtenu l'Unité.
Les dix mille êtres naissent parce qu'ils ont obtenu l'Unité.
Les princes et rois sont les modèles du monde parce qu'ils ont obtenu l'Unité.
Voilà ce que l'unité produit.
Si le ciel perdait sa pureté, il se dissoudrait ;
Si la terre perdait son repos, elle s'écroulerait ;
Si les esprits perdaient leur intelligence divine, ils s'anéantiraient ;
Si les vallées ne se remplissaient plus, elles se dessécheraient ;
Si les dix mille êtres ne naissaient plus, ils s'éteindraient ;
Si les princes et les rois s'enorgueillissaient de leur noblesse et de leur élévation, et cessaient d'être les modèles (du monde), ils seraient renversés.
C'est pourquoi les nobles regardent la roture comme leur origine ; les hommes élevés regardent la bassesse de la condition comme leur premier fondement.
De là vient que les princes et les rois s'appellent eux-mêmes orphelins, hommes de peu de mérite, hommes dénués de vertu.
Ne montrent-ils pas par là qu'ils regardent la roture comme leur véritable origine ? Et ils ont raison !
C'est pourquoi si vous décomposez un char, vous n'avez plus de char.
(Le sage) ne veut pas être estimé comme le jade, ni méprisé comme la pierre.
「昔之得一者:
天得一以清,地得一以寧,
神得一以éˆï¼Œè°·å¾—一以盈,
è¬ç‰©å¾—一以生,侯王得一以為天下æ£ã€‚
其致之也,謂天無以清將æ裂,地無以寧將æ廢,
神無以éˆå°‡ææ‡ï¼Œè°·ç„¡ä»¥ç›ˆå°‡æç«ï¼Œ
è¬ç‰©ç„¡ä»¥ç”Ÿå°‡æ滅,侯王無以貴高將æ蹶。
故貴以賤為本,高以下為基,
是以侯王自謂å¤å¯¡ä¸ç©€ï¼Œæ¤éžä»¥è³¤ç‚ºæœ¬é‚ªï¼Ÿéžä¹Žï¼
故致數è½ç„¡è½ï¼Œä¸æ¬²çç如玉,çžçžå¦‚石。ã€
- 40 -
Le retour au non-être (produit) le mouvement du Tao.
La faiblesse est la fonction du Tao.
Toutes les choses du monde sont nées de l'être ; l'être est né du non-être.
「å者,é“之動,
弱者,é“之用,
天下è¬ç‰©ç”Ÿæ–¼æœ‰ï¼Œ
有生於無。ã€
- 41 -
Quand les lettrés supérieurs ont entendu parler du Tao, ils le pratiquent avec zèle.
Quand les lettrés du second ordre ont entendu parler du Tao, tantôt ils le conservent, tantôt ils le perdent.
Quand les lettrés inférieurs ont entendu parler du Tao, ils le tournent en dérision. S'ils ne le tournaient pas en dérision, il ne mériterait pas le nom de Tao.
C'est pourquoi les Anciens disaient :
Celui qui a l'intelligence du Tao paraît enveloppé de ténèbres.
Celui qui est avancé dans le Tao ressemble à un homme arriéré.
Celui qui est à la hauteur du Tao ressemble à un homme vulgaire.
L'homme d'une vertu supérieure est comme une vallée.
L'homme d'une grande pureté est comme couvert d'opprobre.
L'homme d'un mérite immense paraît frappé d'incapacité.
L'homme d'une vertu solide semble dénué d'activité.
L'homme simple est vrai semble vil et dégradé.
C'est un grand carré dont on ne voit pas les angles ; un grand vase qui semble loin d'être achevé ; une grande voix dont le son est imperceptible ; une grand image dont on n'aperçoit point la forme§
Le Tao se cache et personne ne peut le nommer.
Il sait prêter (secours aux êtres) et les conduire à la perfection.
「上士èžé“,勤而行之;
ä¸å£«èžé“,若å˜è‹¥äº¡ï¼›
下士èžé“,大笑之,ä¸ç¬‘ä¸è¶³ä»¥ç‚ºé“。
故建言有之,明é“若昧,進é“若退,
夷é“若纇,上德若谷,
大白若辱,廣德若ä¸è¶³ï¼Œ
建德若å·ï¼Œè³ªçœŸè‹¥çª¬ï¼Œ
大方無隅,大器晚(å…)æˆï¼Œ
大音希è²ï¼Œå¤§è±¡ç„¡å½¢
é“隱無å,夫唯é“善貸且æˆã€‚ã€
- 42 -
Le Tao a produit un ; un a produit deux ; deux a produit trois ; trois a produit tous les êtres.
Tous les êtres fuient le calme et cherchent le mouvement.
Un souffle immatériel forme l'harmonie.
Ce que les hommes détestent, c'est d'être orphelins, imparfaits, dénués de vertu, et cependant les rois s'appellent ainsi eux-mêmes.
C'est pourquoi, parmi les êtres, les uns s'augmentent en se diminuant ; les autres se diminuent en s'augmentant.
Ce que les hommes enseignent, je l'enseigne aussi.
Les hommes violents et inflexibles n'obtiennent point une mort naturelle.
Je veux prendre leur exemple pour la base de mes instructions.
「é“生一,一生二,二生三,三生è¬ç‰©ï¼›
è¬ç‰©è² 陰而抱陽,沖氣以為和。
人之所惡,唯å¤å¯¡ä¸ç©€ï¼Œè€ŒçŽ‹å…¬ä»¥ç‚ºç¨±ï¼›
故物或æ之而益,或益之而æï¼›
人之所教,我亦教之。
å¼·æ¢è€…ä¸å¾—å…¶æ»ï¼Œå¾å°‡ä»¥ç‚ºæ•™çˆ¶ã€‚ã€
- 43 -
Les choses les plus molles du monde subjuguent les choses les pus dures du monde.
Le non-être traverse les choses impénétrables. C'est par là que je sais que le non-agir est utile.
Dans l'univers, il y a bien peu d'hommes qui sachent instruire sans parler et tirer profit du non-agir.
「天下之至柔,馳é¨å¤©ä¸‹ä¹‹è‡³å …。
無有入無間, å¾æ˜¯ä»¥çŸ¥ç„¡ç‚ºä¹‹æœ‰ç›Šã€‚
ä¸è¨€ä¹‹æ•™ï¼Œç„¡ç‚ºä¹‹ç›Šï¼Œå¤©ä¸‹å¸ŒåŠä¹‹ã€‚ã€
- 44 -
Qu'est-ce qui nous touche de plus près, de notre gloire ou de notre personne ?
Qu'est-ce qui nous est le plus précieux, de notre personne ou de nos richesses ?
Quel est le plus grand malheur, de les acquérir ou de les perdre ?
C'est pourquoi celui qui a de grandes passion est nécessairement exposé à de grands sacrifices.
Celui qui cache un riche trésor éprouve nécessairement de grandes pertes.
Celui qui sait se suffire est à l'abri du déshonneur.
Celui qui sait s'arrêter ne périclite jamais.
Il pourra subsister longtemps.
「å與身å°è¦ªï¼Ÿ
身與貨å°å¤šï¼Ÿ
得與亡å°ç—…?
是故甚愛必大費,
多è—必厚亡。
知足ä¸è¾±ï¼ŒçŸ¥æ¢ä¸æ®†ï¼Œå¯ä»¥é•·ä¹…ï¼ã€
- 45 -
(Le Saint) est grandement parfait, et il paraît plein d'imperfections ; ses ressources ne s'usent point.
Il est grandement plein, et il paraît vide ; ses ressources ne s'épuisent point.
Il est grandement droit, et il semble manquer de rectitude.
Il est grandement ingénieux, et il paraît stupide.
Il est grandement disert, et il paraît bègue.
Le mouvement triomphe du froid ; le repos triomphe de la chaleur.
Celui qui est pur et tranquille devient le modèle de l'univers.
「大æˆè‹¥ç¼ºï¼Œå…¶ç”¨ä¸å¼Šï¼›
大盈若沖,其用ä¸çª®ï¼›
大直若屈,大巧若辯,
èºå‹å¯’,éœå‹ç†±ï¼Œ
清éœç‚ºå¤©ä¸‹æ£ã€‚ã€
- 46 -
Lorsque le Tao régnait dans le monde, on renvoyait les chevaux pour cultiver les champs.
Depuis quele Tao ne règne plus dans le monde, les chevaux de combat naissent sur les frontières.
Il n'y a pas de plus grand crime que de se livrer à ses désirs.
Il n'y a pas de plus grand malheur que de ne pas savoir se suffire.
Il n'y a pas de plus grande calamité que le désir d'acquérir.
Celui qui sait se suffire est toujours content de son sort.
「天下有é“,å»èµ°é¦¬ä»¥ç³žï¼›
天下無é“,戎馬生於郊;
ç¦èŽ«å¤§æ–¼ä¸çŸ¥è¶³ï¼Œå’ŽèŽ«å¤§æ–¼æ¬²å¾—ï¼›
故知足之足,常足矣ï¼ã€
- 47 -
Sans sortir de ma maison, je connais l'univers ; sans regarder par ma fenêtre, je découvre les voies du ciel.
Plus l'on s'éloigne et moi l'on apprend.
C'est pourquoi le sage arrive (où il veut) sans marcher ; il nomme les objets sans les voir, sans agir, il accomplit de grandes choses.
「ä¸å‡ºæˆ¶ï¼ŒçŸ¥å¤©ä¸‹ï¼›
ä¸çªºç‰–,見天é“ï¼›
其出彌é ,其知彌少;
是以è–人ä¸è¡Œè€ŒçŸ¥ï¼Œä¸è¦‹è€Œå,ä¸ç‚ºè€Œæˆã€‚ã€
- 48 -
Celui qui se livre à l'étude augmente chaque jour (ses connaissances).
Celui qui se livre au Tao diminue chaque jours (ses passions).
Il les diminue et les diminue sans cesse jusqu'à ce qu'il soit arrivé au non-agir.
Dès qu'il pratique le non-agir, il n'y a rien qui lui soit impossible.
C'est toujours par le non-agir que l'on devient le maître de l'empire.
Celui qui aime à agir est incapable de devenir le maître de l'empire.
「為å¸æ—¥ç›Šï¼Œç‚ºé“æ—¥æ,
æ之åˆæ,以至於無為;
無為而無ä¸ç‚ºã€‚
å–天下常以無事,
åŠå…¶æœ‰äº‹ï¼Œä¸è¶³ä»¥å–天下。ã€
- 49 -
Le Saint n'a point de sentiments immuables. Il adopte les sentiments du peuple.
Celui qui est vertueux, il le traite comme un homme vertueux, celui qui n'est pas vertueux, il le traite aussi comme un homme vertueux. C'est là le comble de la vertu.
Celui qui est sincère, il le traite comme un homme sincère ; celui qui n'est pas sincère, il le traite aussi comme un homme sincère. C'est là le comble de la sincérité.
Le Saint vivant dans le monde reste calme et tranquille, et conserve les mêmes sentiments pour tous.
Les cent familles attachent sur lui leurs oreilles et leurs yeux.
Le Saint regarde le peuple comme un enfant.
「è–人常無心,以百姓心為心。
善者å¾å–„之,ä¸å–„者å¾äº¦å–„之,德善。
信者å¾ä¿¡ä¹‹ï¼Œä¸ä¿¡è€…å¾äº¦ä¿¡ä¹‹ï¼Œå¾·ä¿¡ã€‚
è–人在天下,æ™æ™ç‚ºå¤©ä¸‹æ¸¾å…¶å¿ƒã€‚
百姓皆注其耳目,è–人皆å©ä¹‹ã€‚ã€
- 50 -
L'homme sort de la vie pour entrer dans la mort.
Il y a treize causes de vie et treize causes de mort.
A peine est-il né que ces treize causes de mort l'entraînent rapidement au trépas.
Quelle en est la raison ? C'est qu'il veut vivre avec trop d'intensité.
Or j'ai appris que celui qui sait gouverner sa vie ne craint sur sa route ni le rhinocéros ni le tigre.
S'il entre dans une armée, il n'a besoin ni de cuirasse ni d'armes.
Le rhinocéros ne saurait où le frapper de sa corne, le tigre où le déchirer de ses ongles, le soldat où le percer de son glaive.
Quelle en est la cause ? Il est à l'abri de la mort !
「出生入æ»ï¼Œç”Ÿä¹‹å¾’,å有三;
æ»ä¹‹å¾’,å有三;人之生,動之æ»åœ°ï¼Œäº¦å有三。
夫何故?以其生生之厚。
è“‹èžå–„æ”生者,陸行ä¸é‡å…•è™Žï¼Œå…¥è»ä¸è¢«ç”²å…µï¼Œ
兕無所投其角,虎無所措其爪,兵無所容其刃,
夫何故?以其無æ»åœ°ï¼ã€
- 51 -
Le Tao produit les êtres, la Vertu les nourrit. Ils leur donnent un corps et les perfectionnent par une secrète impulsion.
C'est pourquoi tous les êtres révèrent le Tao et honorent la Vertu.
Personne n'a conféré au Tao sa dignité, ni à la Vertu sa noblesse : ils les possèdent éternellement en eux-mêmes.
C'est pourquoi le Tao produit les êtres, les nourrit, les fait croître, les perfectionne, les mûrit, les alimente, les protège.
Il les produit, et ne se les approprie point ; il les fait ce qu'ils sont et ne s'en glorifie point ; il règne sur eux et les laisse libres.
C'est là ce qu'on appelle une vertu profonde.
「é“生之,德蓄之,物形之,勢æˆä¹‹ã€‚是以è¬ç‰©èŽ«ä¸éµé“而貴德。
é“之生,德之貴,夫莫之命而常自然。
æ•…é“生之,德蓄之,長之育之,äºä¹‹æ¯’之,養之覆之。
生而弗有,為而弗æƒï¼Œé•·è€Œå¼—宰,是謂玄德。ã€
- 52 -
Le principe du monde est devenu la mère du monde.
Dès qu'on possède la mère, on connaît ses enfants.
Dès que l'homme connaît les enfants et qu'il conserve leur mère, jusqu'à la fin de sa vie il n'est exposé à aucun danger.
S'il clôt sa bouche, s'il ferme ses oreilles et ses yeux jusqu'au terme de ses jours, il n'éprouvera aucune fatigue.
Mais s'il ouvre sa bouche et augmente ses désirs, jusqu'à la fin de sa vie, il ne pourra être sauvé.
Celui qui voit les choses les plus subtiles s'appelle éclairé ; celui qui conserve la faiblesse s'appelle fort.
S'il fait usage de l'éclat (du Tao) et revient à sa lumière, son corps n'aura plus à craindre aucune calamité.
C'est là ce qu'on appelle être doublement éclairé.
「天下有始,以為天下æ¯ã€‚
既得其æ¯ï¼Œä»¥çŸ¥å…¶å,
既知其å,復守其æ¯ï¼›æ²’身ä¸æ®†ã€‚
塞其兌,閉其門,終身ä¸å‹¤ã€‚
開其兌,濟其事,終身ä¸æ•‘。
見å°æ›°æ˜Žï¼Œå®ˆæŸ”曰強,
用其光,復æ¸å…¶æ˜Žï¼›
ç„¡éºèº«æ®ƒï¼Œæ˜¯è¬‚習常。ã€
- 53 -
Si j'étais doué de quelque connaissance, je marcherais dans la grande Voie.
La seule chose que je craigne, c'est d'agir.
La grande Voie est très unie, mais le peuple aime les sentiers.
Si les palais sont très brillants, les champs sont très incultes, et les greniers vides.
Les princes s'habillent de riches étoffes ; ils portent un glaive tranchant ; ils se rassasient de mets exquis ; ils regorgent de richesses.
C'est ce qu'on appelle se glorifier du vol ; ce n'est point pratiquer le Tao.
「使我介然有知,行於大é“,唯施是ç•ã€‚
大é“甚夷,而民好徑。
æœç”šé™¤ï¼Œç”°ç”šè•ªï¼Œå€‰ç”šè™›ï¼Œ
æœæ–‡é‡‡ï¼Œå¸¶åˆ©åŠï¼ŒåŽé£²é£Ÿï¼Œè²¨è²¡æœ‰é¤˜ï¼Œ
是謂盜夸,éžé“也哉ï¼ã€
- 54 -
Celui qui sait fonder ne craint point la destruction ; celui qui sait conserver ne craint point de perdre.
Ses fils et ses petits-fils lui offriront des sacrifices sans interruption.
Si (l'homme) cultive le Tao au-dedans de lui-même, sa vertu deviendra sincère.
S'il le cultive dans sa famille, sa vertu deviendra surabondante.
S'il le cultive dans le village, sa vertu deviendra étendue.
S'il le cultive dans le royaume, sa vertu deviendra florissante.
S'il le cultive dans l'empire, sa vertu deviendra universelle.
C'est pourquoi, d'après moi-même, je juge des autres hommes ; d'après une famille, je juge des autres familles ; d'apès un village, je juge des autres villages ; d'après un royaume, je juge des autres royaumes ; d'après l'empire, je juge de l'empire.
Comment sais-je qu'il en est ainsi de l'empire ? C'est uniquement par là 45.
「善建者ä¸æ‹”,善抱者ä¸è„«ï¼Œåå«ä»¥ç¥ç¥€ä¸è¼Ÿã€‚
修之於身,其德乃真;
修之於家,其德乃餘;
修之於鄉,其德乃長;
修之於邦,其德乃è±ï¼›
修之於天下,其德乃普。
故以身觀身,以家觀家,以國觀國,以天下觀天下,
å¾ä½•ä»¥çŸ¥å¤©ä¸‹ä¹‹ç„¶å“‰ï¼Œä»¥æ¤ï¼ã€
- 55 -
Celui qui possède une vertu solide ressemble à un nouveau-né qui ne craint ni la piqûre des animaux venimeux, ni les griffes des bêtes féroces, ni les serres des oiseaux de proie.
Ses os sont faibles, ses nerfs sont mous, et cependant il saisit fortement les objets.
Il ne connaît pas encore l'union des deux sexes, et cependant certaines parties (de son corps) éprouvent un orgasme viril. Cela vient de la perfection du semen.
Il crie tout le jour et sa voix ne s'altère point, cela vient de la perfection de l'harmonie (de la force vitale).
Connaître l'harmonie s'appelle être constant46.
Connaître la constance s'appelle être éclairé.
Augmenter sa vie s'appelle une calamité.
Quand le cœur donne l'impulsion à l'énergie vitale, cela s'appelle être fort.
Dès que les êtres sont devenus robustes, ils vieillissent.
C'est ce qu'on appelle ne pas imiter le Tao.
Celui qui n'imite pas le Tao périt de bonne heure.
「å«å¾·ä¹‹åŽšï¼Œæ¯”於赤åï¼›
毒虫ä¸èž«ï¼ŒçŒ›ç¸ä¸æ“šï¼Œæ”«é³¥ä¸æï¼›
骨弱ç‹æŸ”而æ¡å›ºï¼ŒæœªçŸ¥ç‰ç‰¡ä¹‹åˆè€Œæ™™ä½œï¼Œç²¾ä¹‹è‡³ä¹Ÿã€‚
終日號而ä¸å—„,和之至也;
知和曰常,知常曰明,
益生曰祥,物壯則è€ï¼Œè¬‚之ä¸é“,ä¸é“æ—©å·²ï¼ã€
- 56 -
L'homme qui connaît (le Tao) ne parle pas ; celui qui parle ne le connaît pas.
Il clôt sa bouche, il ferme ses oreilles et ses yeux, il émousse son activité, il se dégage de tous liens, il tempère sa lumière (intérieure), il s'assimile au vulgaire. On peut dire qu'il ressemble au Tao.
Il est inaccessible à la faveur comme à la disgrâce, au profit comme au détriment, aux honneurs comme à l'ignominie.
C'est pourquoi il est l'homme le plus honorable de l'univers.
「知者ä¸è¨€ï¼Œè¨€è€…ä¸çŸ¥ï¼Œ
塞其兌,閉其門,
挫其銳,解其紛,
和其光,åŒå…¶å¡µã€‚
是謂玄åŒã€‚
æ•…ä¸å¯å¾—而親,ä¸å¯å¾—而ç–,
ä¸å¯å¾—而利,ä¸å¯å¾—而害,
ä¸å¯å¾—而貴,ä¸å¯å¾—而賤,
故為天下貴ï¼ã€
- 57 -
Avec la droiture, on gouverne le royaume ; avec la ruse, on fait la guerre ; avec le non-agir, on devient le maître de l'empire47.
Comment sais-je qu'il en est ainsi de l'empire ? Par ceci.
Plus le roi multiplie les prohibitions et les défenses, et plus le peuple s'appauvrit ;
Plus le peuple a d'instruments de lucre, et plus le royaume se trouble ;
Plus le peuple a d'adresse et d'habileté, et plus l'on voit fabriquer d'objets bizarres ;
Plus les lois se manifestent, et plus les voleurs s'accroissent.
C'est pourquoi le Saint dit : Je pratique le non-agir, et le peuple se convertit de lui-même.
J'aime la quiétude, et le peuple se rectifie de lui-même.
Je m'abstiens de toute occupation, et le peuple s'enrichit de lui-même.
Je me dégage de tous désirs, et le peuple revient de lui-même à la simplicité.
「以æ£æ²»åœ‹ï¼Œä»¥å¥‡ç”¨å…µï¼Œä»¥ç„¡äº‹å–天下;
å¾ä½•ä»¥çŸ¥å…¶ç„¶å“‰ï¼Œä»¥æ¤ï¼
天下多忌諱,而民彌貧;
人多利器,國家滋æ˜ï¼›
人多伎巧,奇物滋起;
法令溢彰,盜賊多有;
æ•…è–人云:我無為而民自化,
我好éœè€Œæ°‘自æ£ï¼Œ
我無事而民自富,
我無欲而民自樸ï¼ã€
- 58 -
Lorsque l'administration (paraît) dépourvue de lumières, le peuple devient riche.
Lorsque l'administration est clairvoyante, le peuple manque de tout.
Le bonheur naît du malheur, le malheur est caché au sein du bonheur. Qui peut en prévoir la fin ?
Si le prince n'est pas droit, les hommes droits deviendront trompeurs, et les hommes vertueux, pervers.
Les hommes sont plongés dans l'erreur, et cela dure depuis bien longtemps !
C'est pourquoi le Saint est juste et ne blesse pas (le peuple).
Il est désintéressé et ne lui fait pas de tort.
Il est droit et ne le redresse pas.
Il est éclairé et ne l'éblouit pas.
「其政悶悶,其民淳淳;
其政察察,其民缺缺;
ç¦å…®ç¦ä¹‹æ‰€å€šï¼Œç¦å…®ç¦ä¹‹æ‰€ä¼ï¼›
å°çŸ¥å…¶æ¥µï¼Œå…¶ç„¡æ£ã€‚
æ£å¾©ç‚ºå¥‡ï¼Œå–„復為妖。
人之迷,其日固久,
是以è–人方而ä¸å‰²ï¼Œå»‰è€Œä¸åŠŒï¼Œç›´è€Œä¸è‚†ï¼Œå…‰è€Œä¸è€€ã€‚ã€
- 59 -
Pour gouverner les hommes et servir le ciel, rien n'est comparable à la modération.
La modération doit être le premier soin de l'homme.
Quand elle est devenue son premier soin, on peut dire qu'il accumule abondamment la vertu.
Quand il accumule abondamment la vertu, il n'y a rien dont il ne triomphe.
Quand il n'y a rien dont il ne triomphe, personne ne connaît ses limites.
Quand personne ne connaît ses limites, il peut posséder le royaume.
Celui qui possède la mère du royaume peut subsister longtemps.
C'est ce qu'on appelle avoir des racines profondes et une tige solide.
Voilà l'art de vivre longuement et de jouir d'une existence durable.
「治人事天莫若嗇,夫唯嗇是謂早æœï¼›
æ—©æœè¬‚之é‡ç©å¾·ï¼Œé‡ç©å¾·å‰‡ç„¡ä¸å…‹ï¼›
ç„¡ä¸å…‹å‰‡èŽ«çŸ¥å…¶æ¥µï¼ŒèŽ«çŸ¥å…¶æ¥µå¯ä»¥æœ‰åœ‹ï¼›
有國之æ¯å¯ä»¥é•·ä¹…ï¼Œæ˜¯è¬‚æ·±æ ¹å›ºæŸ¢ï¼Œé•·ç”Ÿä¹…è¦–ä¹‹é“。ã€
- 60 -
Pour gouverner un grand royaume, (on doit) imiter (celui qui) fait cuire un petit poisson.
Lorsque le prince dirige l'empire par le Tao, les démons ne montrent point leur puissance.
Ce n'est point que les démons manquent de puissance, c'est que les démons ne blessent point les hommes.
Ce n'es point que les démons ne (puissent) blesser les hommes, c'est que le Saint lui-même ne blesse point les hommes.
Ni le Saint ni les démons ne les blessent ; c'est pourquoi il confondent ensemble leur vertu.
「治大國,若烹å°é®®ï¼›
以é“蒞天下,其鬼ä¸ç¥žï¼›
éžå…¶é¬¼ä¸ç¥žï¼Œå…¶ç¥žä¸å‚·äººï¼›
éžå…¶ç¥žä¸å‚·äººï¼Œè–人亦ä¸å‚·äººï¼›
夫兩ä¸ç›¸å‚·ï¼Œæ•…德交æ¸ç„‰ï¼ã€
- 61 -
Un grand royaume (doit s'abaisser comme) les fleuves et les mers, où se réunissent (toutes les eaux de) l'empire.
Dans le monde, tel est le rôle de la femelle. En restant en repos, elle triomphe constamment du mâle. Ce repos est une sorte d'abaissement.
C'est pourquoi, si un grand royaume s'abaisse devant les petits royaumes, il gagnera les petits royaumes.
Si les petits royaumes s'abaissent devant un grand royaume, ils gagneront le grand royaume.
C'est pourquoi les uns s'abaissent pour recevoir, les autres s'abaissent pour être reçus.
Ce que désire uniquement un grand royaume, c'est de réunir et de gouverner les autres hommes.
Ce que désire uniquement un petit royaume, c'est d'être admis à servir les autres hommes.
Alors tous deux obtiennent ce qu'ils désiraient.
Mais les grands doivent s'abaisser !
「大國者下æµï¼Œå¤©ä¸‹ä¹‹äº¤ï¼Œå¤©ä¸‹ä¹‹ç‰ã€‚
ç‰å¸¸ä»¥éœå‹ç‰¡ï¼Œä»¥éœç‚ºä¸‹ã€‚
故大國以下å°åœ‹ï¼Œå‰‡å–å°åœ‹ã€‚
å°åœ‹ä»¥ä¸‹å¤§åœ‹ï¼Œå‰‡å–大國。
故或下以å–,或下而å–。
大國ä¸éŽæ¬²å…¼ç•œäºº
å°åœ‹ä¸éŽæ¬²å…¥äº‹äººã€‚
夫兩者å„得其所欲,大者宜為下。ã€
- 62 -
Le Tao est l'asile de tous les êtres ; c'est le trésor de l'homme vertueux et l'appui du méchant.
Les paroles excellentes peuvent faire notre richesse, les actions honorables peuvent nous élever au-dessus des autres.
Si un homme n'est pas vertueux, pourrait-on le repousser avec mépris ?
C'est pour cela qu'on avait établi un empereur et institué trois ministres.
Il est beau de tenir devant soi une tablette de jade, ou d'être monté sur un quadrige ; mais il vaut mieux rester assis pour avancer dans le Tao. Pourquoi les anciens estimaient-ils le Tao ? N'est pas parce qu'on le trouve naturellement sans le chercher tout le jour ? N'est-ce pas parce que les coupables obtiennent par lui la liberté et la vie ?
C'est pourquoi (le Tao) est l'être le plus estimable du monde.
「é“者,è¬ç‰©ä¹‹å¥§ã€‚
善人之寶,ä¸å–„人之所ä¿ã€‚
美言å¯ä»¥å¸‚尊,美行å¯ä»¥åŠ 人。
人之ä¸å–„,何棄之有。
故立天å,置三公,雖有拱璧,以先駟馬,ä¸å¦‚å進æ¤é“。
å¤ä¹‹æ‰€ä»¥è²´æ¤é“者,何也。
ä¸æ›°ï¼šæ±‚以得,有罪以å…耶,故為天下貴。ã€
- 63 -
(Le sage) pratique le non-agir, il s'occupe de la non-occupation, et savoure ce qui est sans saveur.
Les choses grandes ou petites, nombreuses ou rares, (sont égales à ses yeu
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.
Il venge ses injures par des bienfaits.
Il commence par des choses aisées, lorsqu'il en médite de difficiles ; par de petites choses, lorsqu'il en projette de grandes.
Les choses les plus difficiles du monde on nécessairement commencé par être aisées.
Les choses les plus grandes du monde ont nécessairement commencé par être petites.
DE là vient que, jusqu'à la fin, le Saint ne cherche point à faire de grandes choses ; c'est pourquoi il peut accomplir de grandes choses.
Celui qui promet à la légère tient rarement sa parole.
Celui qui trouve beaucoup de choses faciles éprouve nécessairement de grand difficultés.
De là vient que le Saint trouve tout difficile ; c'est pourquoi, jusqu'au terme de sa vie, il n'éprouve nulles difficultés.
「為無為,事無事,味無味。
大å°å¤šå°‘ï¼Œå ±æ€¨ä»¥å¾·ã€‚
圖難於其易,圖大於其細。
天下難事,必作於易。
天下大事,必作於細。
是以è–人終ä¸ç‚ºå¤§ï¼Œæ•…能æˆå…¶å¤§ã€‚
夫輕諾必寡信,多易必多難;
是以è–人猶難之,故終無難矣ï¼ã€
- 64 -
Ce qui est calme est aisé à maintenir ; ce qui n'a pas encore paru est aisé à prévenir ; ce qui est faible est aisé à briser ; ce qui est menu est aisé à disperser.
Arrêtez le mal avant qu'il n'existe ; calmez le désordre avant qu'il n'éclate.
Un arbre d'une grand circonférence est né d'une racine aussi déliée qu'un cheveu ; une tour de neuf étages est sortie d'une poignée de terre ; un voyage de mille lis à commencé par un pas !
Celui qui agit échoue, celui qui s'attache à une choses la perd.
De là vient que le Saint n'agit pas, c'est pourquoi il n'échoue point.
Il ne s'attache à rien, c'est pourquoi il ne perd point.
Lorsque le peuple fait une choses, il échoue toujours au moment de réussir.
Soyez attentif à la fin comme au commencement, et alors vous n'échouerez jamais.
De là vient que le Saint fait consister ses désirs dans l'absence de tout désir. Il n'estime point les biens d'une acquisition difficile.
Il fait consister son étude dans l'absence de toute étude, et se préserve des fautes des autres hommes.
Il n'ose pas agir afin d'aider tous les êtres à suivre leur nature.
「其安易æŒï¼Œå…¶æœªå…†æ˜“謀。
其脆易泮,其微易散。
為之於未有,治之於未亂。
åˆæŠ±ä¹‹æœ¨ï¼Œç”Ÿæ–¼æ¯«æœ«ã€‚
ä¹å±¤ä¹‹è‡ºï¼Œèµ·æ–¼ç´¯åœŸã€‚
åƒé‡Œä¹‹è¡Œï¼Œå§‹æ–¼è¶³ä¸‹ã€‚
為者敗之,執者失之。
是以è–人無為故無敗,無執故無失。
民之從事,常於幾æˆè€Œæ•—之。
慎終如始,則無敗事。
是以è–人欲ä¸æ¬²ï¼Œä¸è²´é›£å¾—之貨;
å¸ä¸å¸ï¼Œå¾©çœ¾äººä¹‹æ‰€éŽï¼Œä»¥è¼”è¬ç‰©ä¹‹è‡ªç„¶è€Œä¸æ•¢ç‚ºã€‚ã€
- 65 -
Dans l'Antiquité, ceux qui excellaient à pratiquer le Tao ne l'employaient point à éclairer le peuple ; ils l'employaient à le rendre simple et ignorant.
Le peuple est difficile à gouverner parce qu'il a trop de prudence.
Celui qui se sert de la prudence pour gouverner le royaume est le fléau du royaume.
Celui qui ne se sert pas de la prudence pour gouverner le royaume fait le bonheur du royaume.
Lorsqu'on connaît ces deux choses, on est le modèle (de l'empire).
Savoir être le modèle (de l'empire), c'est être doué d'une vertu céleste.
Cette vertu céleste est profonde, immense, opposée aux créatures.
Par elle on parvient à procurer une paix générale.
「å¤ä¹‹å–„為é“者,éžä»¥æ˜Žæ°‘,將以愚之。
民之難治,以其智多,
故以智治國,國之賊ï¼
ä¸ä»¥æ™ºæ²»åœ‹ï¼Œåœ‹ä¹‹ç¦ã€‚
知æ¤å…©è€…,亦稽å¼ï¼›
常知稽å¼ï¼Œæ˜¯è¬‚玄德。
玄德深矣é 矣ï¼èˆ‡ç‰©åçŸ£ï¼Œç„¶å¾Œä¹ƒè‡³å¤§é †ã€‚ã€
- 66 -
Pourquoi les fleuves et les mers peuvent-ils être les rois de toutes les eaux ?
Parce qu'il savent se tenir au dessous d'elles.
C'est pour cela qu'ils peuvent être les rois de toutes les eaux.
Aussi lorsque le Saint désire d'être au-dessus du peuple, il faut que, par ses paroles, il se mette au-dessous de lui.
Lorsqu'il désire d'être placé en avant du peuple, il faut que, de sa personne, il se mette après lui.
De là vient que le Saint est placé au-dessus de tous et il n'est point à charge au peuple ; il est placé en avant de tous et le peuple n'en souffre pas.
Aussi tout l'empire aime à le servir et ne s'en lasse point.
Comme il ne dispute pas (le premier rang), il n'y a personne dans l'empire qui puisse le lui disputer.
「江海所以能為百谷王者,以其善下之,故能為百谷王。
是以欲上民必以言下之,欲先民必以身後之。
是以è–人處上而民ä¸é‡ï¼Œè™•å‰è€Œæ°‘ä¸å®³ã€‚
是以天下樂推而ä¸åŽï¼Œ
以其ä¸çˆï¼Œæ•…天下莫能與之çˆã€‚ã€
- 67 -
Dans le monde tous me disent éminent, mais je ressemble à un homme borné.
C'est uniquement parce que je suis éminent, que je ressemble à un homme borné.
Quand à (ceux qu'on appelle) éclairés, il y a longtemps que leur médiocrité est connue !
Je possède trois choses précieuses : je les tiens et les conserve comme un trésor.
La première s'appelle l'affection ; la seconde s'appelle l'économie ; la troisième s'appelle l'humilité, qui m'empêche de vouloir être le premier de l'empire.
J'ai de l'affection, c'est pourquoi je puis être courageux.
J'ai de l'économie, c'est pourquoi je puis faire de grandes dépenses.
Je n'ose être le premier de l'empire, c'est pourquoi je puis devenir le chef de tous les hommes.
Mais aujourd'hui on laisse l'affection pour s'abandonner au courage ; on laisse l'économie pour se livrer à de grandes dépenses ; on laisse le dernier rang pour rechercher le premier :
Voilà qui conduit à la mort.
Si l'on combat avec un cœur rempli d'affection, on remporte la victoire ; si l'on défend (une ville), elle est inexpugnable.
Quand le ciel veut sauver un homme, il lui donne l'affection pour le protéger.
「天下皆謂我é“大似ä¸è‚–。
夫唯大故ä¸è‚–,若肖久矣,其細也夫。
我有三寶,æŒè€Œä¿ä¹‹ï¼Œä¸€æ›°æ…ˆã€äºŒæ›°å„‰ã€ä¸‰æ›°ä¸æ•¢ç‚ºå¤©ä¸‹å…ˆã€‚
慈故能勇,儉故能廣,ä¸æ•¢ç‚ºå¤©ä¸‹å…ˆï¼Œæ•…能æˆå™¨é•·ã€‚
今èˆæ…ˆä¸”勇,èˆå„‰ä¸”廣,èˆå¾Œä¸”先,æ»çŸ£ï¼
夫慈以戰則å‹ï¼Œä»¥å®ˆå‰‡å›ºï¼Œå¤©å°‡æ•‘之,以慈衛之。ã€
- 68 -
Celui qui excelle à commander une armée n'a pas une ardeur belliqueuse.
Celui qui excelle à combattre ne se laisse pas aller à la colère.
Celui qui excelle à vaincre ne lutte pas.
Celui qui excelle à emporter les hommes se met au-dessous d'eux.
C'est là ce qu'on appelle posséder la vertu qui consiste à ne point lutter.
C'est ce qu'on appelle savoir se servir des forces des hommes.
C'est ce qu'on appelle s'unir au ciel.
Telle était la science sublime des Anciens.
「善為士者ä¸æ¦ï¼Œ
善戰者ä¸æ€’,
å–„å‹æ•µè€…ä¸èˆ‡ï¼Œ
善用人者為之下,
是謂ä¸çˆä¹‹å¾·ï¼Œ
是謂用人之力,
是謂é…天,å¤ä¹‹æ¥µä¹Ÿã€‚ã€
- 69 -
Voici ce que disait un ancien guerrier :
Je n'ose donner le signal, j'aime mieux le recevoir.
Je n'ose avancer d'un pouce, j'aime mieux reculer d'un pied.
C'est ce qui s'appelle n'avoir pas de rang à suivre, de bras à étendre, d'ennemis à poursuivre, ni d'arme à saisir.
Il n'y a pas de plus grand malheur que de résister à la légère.
Résister à la légère, c'est presque perdre notre trésor.
Aussi, lorsque deux armées combattent à armes égales, c'est l'homme le plus compatissant qui remporte la victoire.
「用兵有言曰:å¾ä¸æ•¢ç‚ºä¸»ï¼Œè€Œç‚ºå®¢ï¼›
å¾ä¸æ•¢é€²å¯¸è€Œé€€å°ºï¼Œ
是謂行無行,攘無臂,執無兵,扔無敵。
ç¦èŽ«å¤§æ–¼è¼•æ•µï¼Œè¼•æ•µå¹¾å–ªå¾å¯¶ï¼›
æ•…æŠ—å…µç›¸åŠ ï¼Œå“€è€…å‹çŸ£ï¼ã€
- 70 -
Mes paroles sont très faciles à comprendre, très faciles à pratiquer.
Dans le monde personne ne peut les comprendre, personne ne peut les pratiquer.
Mes paroles ont une origine, mes actions ont une règle.
Les hommes ne les comprennent pas, c'est pour cela qu'ils m'ignorent.
Ceux qui me comprennent sont bien rares. Je n'en suis que plus estimé.
De là vient que le Saint se revêt d'habits grossiers et cache des pierres précieuses dans son sein.
「å¾è¨€ç”šæ˜“知,甚易行。
天下莫能知,莫能行。
言有宗,事有å›ã€‚
夫唯無知,是以ä¸æˆ‘知。
知我者希,則我者貴;
是以è–人被è¤æ‡·çŽ‰ã€ã€‚
- 71 -
Savoir et (croire qu'on) ne sait pas, c'est le comble du mérite.
Ne pas savoir et (croire qu'on) sait, c'est la maladie (des hommes).
Si vous vous affligez de cette maladie vous ne l'éprouverez pas.
Le Saint n'éprouve pas cette maladie, parce qu'il s'en afflige.
Voilà pourquoi il ne l'éprouve pas.
「知ä¸çŸ¥ï¼Œä¸Šï¼›ä¸çŸ¥çŸ¥ï¼Œç—…。
夫唯病病,是以ä¸ç—…ï¼›
è–人ä¸ç—…,以其病病,是以ä¸ç—…。ã€
- 72 -
Lorsque le peuple ne craint pas les choses redoutables, ce qu'il y a de plus redoutable (la mort) vient fondre sur lui.
Gardez-vous de vous trouver à l'étroit dans votre demeure, gardez-vous de vous dégoûter de votre sort.
Je ne me dégoûte point du mien, c'est pourquoi il ne m'inspire point de dégoût.
De là vient que le Saint se connaît lui-même et ne se met point en lumière ; il se ménage et ne se prise point.
C'est pourquoi il laisse ceci et adopte cela.
「民ä¸ç•å¨ï¼Œå‰‡å¤§å¨è‡³ã€‚
無狹其所居,無åŽå…¶æ‰€ç”Ÿã€‚
夫唯ä¸åŽï¼Œæ˜¯ä»¥ä¸åŽï¼Œ
是以è–人自知ä¸è‡ªè¦‹ï¼Œ
自愛ä¸è‡ªè²´ï¼Œæ•…去彼å–æ¤ã€‚ã€
- 73 -
Celui qui met son courage à oser, trouver la mort.
Celui qui met son courage à ne pas oser, trouve la vie.
De ces deux choses, l'une est utile, l'autre est nuisible.
Lorsque le ciel déteste quelqu'un, qui est-ce qui pourrait sonder ses motifs ?
C'est pourquoi le Saint se décide difficilement à agir.
Telle est la voie (la conduite) du ciel.
Il ne lutte point, et il sait remporter la victoire.
Il ne parle point, et (les êtres) savent lui obéir.
Il ne les appelle pas, et ils accourent d'eux-mêmes.
Il paraît lent, et il sait former des plans habiles.
Le filet du ciel est immense ; ses mailles sont écartées et cependant personne n'échappe.
「勇於敢則殺,勇於ä¸æ•¢å‰‡æ´»ã€‚
æ¤å…©è€…或利或害。
天之所惡,å°çŸ¥å…¶æ•…?
是以è–人猶難之。
天之é“ä¸çˆè€Œå–„å‹ï¼Œä¸è¨€è€Œå–„應,ä¸å¬è€Œè‡ªä¾†ï¼Œ
繟然而善謀,天網æ¢æ¢ï¼Œç–而ä¸å¤±ã€‚ã€
- 74 -
Lorsque le peuple ne craint pas la mort, comment l'effrayer par la menace de la mort ?
Si le peuple craint constamment la mort, et que quelqu'un fasse le mal, je puis le saisir et le tuer, et alors qui osera (l'imiter) ?
Il y a constamment un magistrat suprême qui inflige la mort.
Si l'on veut remplacer ce magistrat suprême, et infliger soi-même la mort, on ressemble à un homme (inhabile) qui voudrait tailler le bois à la place d'un charpentier.
Lorsqu'on veut tailler le bois à la place d'un charpentier, il est rare qu'on ne se blesse pas les mains.
「民ä¸ç•æ»ï¼Œå¥ˆä½•ä»¥æ»æ‡¼ä¹‹ã€‚
若使民常ç•æ»ï¼Œè€Œç‚ºå¥‡è€…。
å¾å¾—執而殺之,å°æ•¢ï¼
常有å¸æ®ºè€…殺。
夫代å¸æ®ºè€…æ®ºï¼Œæ˜¯è¬‚ä»£å¤§åŒ æ–²ã€‚
å¤«ä»£å¤§åŒ æ–²è€…ï¼Œå¸Œæœ‰ä¸å‚·å…¶æ‰‹çŸ£ï¼ã€
- 75 -
Le peuple a faim parce que le prince dévore une quantité d'impôts.
Voilà pourquoi il a faim.
Le peuple est difficile à gouverner parce que le prince aime à agir.
Voilà pourquoi il est difficile à gouverner.
Le peuple méprise la mort parce qu'il cherche avec trop d'arder les moyens de vivre.
Voilà pourquoi il méprise la mort.
Mais celui qui ne s'occupe pas de vivre est plus sage que celui qui estime la vie.
「民之飢,以其上食稅之多,是以飢。
民之難治,以其上之有為,是以難治。
民之輕æ»ï¼Œä»¥å…¶æ±‚生之厚,是以輕æ»ã€‚
夫唯無以生為者,是賢於貴生。ã€
- 76 -
Quand l'homme vient au monde, il est souple et faible ; quand il meurt, il est roide et fort.
Quand les arbres et les plantes naissent, ils sont souples et tendres ; quand ils meurent, ils sont secs et arides.
La roideur et la force sont les compagnes de la mort ; la souplesse et la faiblesse sont les compagnes de la vie.
C'est pourquoi, lorsqu'une armée est forte, elle ne emporte pas la victoire.
Lorsqu'un arbre est devenu fort, on l'abat.
Ce qui est fort et grand occupe le rang inférieur ; ce qui est souple et faible occupe le rang supérieur.
「人之生也柔弱,其æ»ä¹Ÿå …強。
è¬ç‰©è‰æœ¨ä¹‹ç”Ÿä¹ŸæŸ”脆,其æ»ä¹Ÿæž¯æ§ã€‚
æ•…å …å¼·è€…æ»ä¹‹å¾’,柔弱者生之徒。
是以兵強則ä¸å‹ï¼Œæœ¨å¼·å‰‡å…µï¼Œå¼·å¤§è™•ä¸‹ï¼ŒæŸ”弱處上。ã€
- 77 -
La voie du ciel (c'est-à -dire le ciel) est comme l'ouvrier en arcs, qui abaisse ce qui est élevé, et élève ce qui est bas ; qui ôte le superflu, et supplée à ce qui manque.
Le ciel ôte à ceux qui ont du superflu pour aider ceux qui n'ont pas assez.
Il n'en est pas ainsi de l'homme : il ôte à ceux qui n'ont pas assez pour donner à ceux qui ont du superflu.
Quel est celui qui est capable de donner son superflu aux hommes de l'empire. Celui-là seul qui possède le Tao.
C'est pourquoi le Saint fait (le bien) et ne s'en prévaut point.
Il accomplit de grandes choses et ne s'y attache point.
Il ne veut pas laisser voir sa sagesse.
「天之é“,其猶張弓與ï¼
高者抑之,下者舉之,有餘者æ之,ä¸è¶³è€…補之。
天之é“,æ有餘而補ä¸è¶³ã€‚
人之é“則ä¸ç„¶ï¼Œæä¸è¶³ä»¥å¥‰æœ‰é¤˜ã€‚
å°èƒ½æœ‰é¤˜ä»¥å¥‰å¤©ä¸‹ï¼Ÿå”¯æœ‰é“者。
是以è–人為而ä¸æƒï¼ŒåŠŸæˆè€Œä¸è™•ï¼Œå…¶ä¸æ¬²è¦‹è³¢ã€‚ã€
- 78 -
Parmi toutes les choses du monde, il n'en est point de plus molle et de plus faible que l'eau, et cependant, pour briser ce qui est dur et fort, rien ne peut l'emporter sur elle.
Pour cela rien ne peut remplacer l'eau.
Ce qui est faible triomphe de ce qui est fort ; ce qui est mou triomphe de ce qui est dur.
Dans le monde, il n'y a personne qui ne connaisse (cette vérité), mais personne ne peut la mettre en pratique.
C'est pourquoi le Saint dit : Celui qui supporte les opprobres du royaume devient chef du royaume.
Celui qui supporte les calamités du royaume devient le roi de l'empire.
Les paroles droites paraissent contraires (Ã la raison).
「天下莫柔弱於水,
è€Œæ”»å …å¼·è€…èŽ«ä¹‹èƒ½å‹ï¼Œå…¶ç„¡ä»¥æ˜“之。
弱之å‹å¼·ï¼ŒæŸ”之å‹å‰›ï¼Œ
天下莫ä¸çŸ¥ã€èŽ«èƒ½è¡Œã€‚
是以è–人云:å—國之垢,是謂社稷主;
å—國ä¸ç¥¥ï¼Œæ˜¯ç‚ºå¤©ä¸‹çŽ‹ã€‚
æ£è¨€è‹¥å。ã€
- 79 -
Si vous voulez apaiser les grandes inimitiés des hommes, ils conserveront nécessairement un reste d'inimitié.
Comment pourraient-ils devenir vertueux ?
De là vient que le Saint garde la partie gauche du contrat et ne réclame rien aux autres.
C'est pourquoi celui qui a de la vertu songe à donner, celui qui est sans vertu songe à demander.
Le ciel n'affectionne personne en particulier. Il donne constamment aux hommes vertueux.
「和大怨,必有餘怨,安å¯ä»¥ç‚ºå–„ï¼›
是以è–人執左契而ä¸è²¬æ–¼äººã€‚
有德å¸å¥‘,無德å¸å¾¹ï¼Œå¤©é“無親,常與善人。ã€
- 80 -
(Si je gouvernais) un petit royaume et un peuple peu nombreux, n'eût-il des armes que pour dix ou cent hommes, je l'empêcherais de s'en servir.
J'apprendrais au peuple à craindre la mort et à ne pas émigrer au loin.
Quand il aurait des bateaux et des chars, il n'y monterait pas.
Quand il aurait des cuirasses et des lances, il ne les porterait pas.
Je le ferais revenir à l'usage des cordelettes nouées.
Il savourerait sa nourriture, il trouverait de l'élégance dans ses vêtements, il se plairait dans sa demeure, il aimerait ses simples usages.
Si un autres royaume se trouvait en face du mien, et que les cris des coqs et des chiens s'entendissent de l'un à l'autre, mon peuple arriverait à la vieillesse et à la mort sans avoir visité le peuple voisin.
「å°åœ‹å¯¡æ°‘,使有什伯之器而ä¸ç”¨ï¼Œ
使民é‡æ»è€Œä¸é 徙,
雖有舟輿,無所乘之;
雖有甲兵,無所陳之;
使人復çµç¹©è€Œç”¨ä¹‹ï¼Œ
甘其食ã€ç¾Žå…¶æœã€å®‰å…¶å±…ã€æ¨‚其俗,
鄰國相望,雞犬之è²ç›¸èžï¼Œæ°‘至è€æ»ä¸ç›¸å¾€ä¾†ã€‚ã€
- 81 -
Les paroles sincères ne sont pas élégantes ; les paroles élégantes ne sont pas sincères.
L'homme vertueux n'est pas disert ; celui qui est disert n'est pas vertueux.
Celui qui connaît (le Tao) n'est pas savant ; celui qui est savant ne le connaît pas.
Le Saint n'accumule pas (les richesses).
Plus il emploie (sa vertu) dans l'intérêt des hommes, et plus elle augmente.
Plus il donne aux hommes et plus il s'enrichit. Telle est la voie du ciel, qu'il est utile aux êtres et ne leur nuit point. Telle est la voie du Saint, qu'il agit et ne dispute point.
「信言ä¸ç¾Žï¼Œç¾Žè¨€ä¸ä¿¡ï¼›
善者ä¸è¾¯ï¼Œè¾¯è€…ä¸å–„ï¼›
知者ä¸åšï¼Œåšè€…ä¸çŸ¥ï¼›
è–人ä¸ç©ï¼Œæ—¢ä»¥ç‚ºäººå·±æ„ˆæœ‰ï¼Œæ—¢ä»¥èˆ‡äººå·±æ„ˆå¤šã€‚
天之é“,利而ä¸å®³ï¼›
è–人之é“,為而ä¸çˆã€‚ã€